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  • Photo du rédacteurA. Piquion

Mais…vous n’êtes pas juif …?


Lors d’un congrès sur le judaïsme, un rabbin s’approche d’un congressiste flânant dans le hall :

«  Excusez-moi…excusez-moi mais ...vous…vous n’êtes pas juif …? »

Surmontant rapidement la surprise de cette adresse, l’intéressé amorce une hésitante inspiration quand soudain, le rabbin, secouant les deux paumes en avant, l’empêche de répondre en enchaînant :

« …c’est juste une question … c’est juste une question…!… » 

 

Identité - Extimité - Sujet - Jouissance - Aleph - Tetragramme - Hashem - La Chose.

 

  • L’amorce témoigne de l’adresse


« Avant de signifier quelque chose, une parole signifie pour quelqu’un » (Lacan).

La question du rabbin signifie son sujet. Bien qu’il n’ait pas dit je, elle est portée par une énonciation, par un acte de dire qui engage le coprs qui parle.

Elle signifie pour le congressiste aussi. L’amorce de sa réponse en atteste : il y aura bien eu adresse. Il y a donc trace d’un sujet, au moins côté rabbin.. Inutile de répondre plus avant pour le moment. C’est juste une question. 


  • Identité


L’identité d’une communauté, d’un groupe, repose sur le principe d’exclusion qui le fonde. Il faut qu'au moins un n'en soit pas. Dites-moi…vous n’en êtes pas…? s’entend : de ne pas en être, vous feriez consister le groupe de ceux qui en seraient. L’exclusion d'Un seul qui n'en est pas, une exception, voire un être exceptionnel, permet l’Unité, ou l'Union des unités régulières qui, elles, en sont. Variations sur le Un pour un havre d'appartenance. Posée, la question suffira à animer le fantasme d'une cohésion identitaire. Elle fera place aussi au mirage d'une position de toute-puissance, d'autant plus convoitée qu'elle fait exception. Il en est un, ailleurs, qui peut ce que je ne peux pas, qui est ce que je ne suis pas. Du côté de l'avoir comme du côté de l'être, l'ambition de totalité reste alors un horizon. Non seulement celui du tout avoir ou du tout être, mais aussi celui de l'avoir totalement, ou de l'être totalement. Il en sera sûrement question plus tard. 


Mais pour le moment, pour que l'appartenance consiste, il suffit que la question apparaisse. « Vous n’êtes pas juif ? » Inutile de répondre. C’est juste une question.


  • Extimité


Notre qualité humaine repose sur le même principe, à la différence près (de taille) que nous n'avons pas choisi le critère d'exclusion qui la fonde. Et pour cause. Il est interne à notre condition. Nos possibilités de dire tournent autour d’un impossible à dire. Car il manque un signifiant, au moins un - celui de la jouissance. Et cette limite est structurelle, situable sur le versant réel du langage. La limite de la parole est elle-même un fait de parole, elle est amenée par la parole, contenue dans la parole. Elle lui est interne. La parole étant langage incorporé, le lieu d'exclusion qui permet au groupe des humains de se reconnaître n'est pas extérieur à l'Homme. Il lui est consubstantiel. Il est lui aussi incorporé. Ce lieu est même ce que nous avons de plus intime, de plus secret, de plus caché, de plus cachable. Il échappe du reste à ce point à la représentation qu’il s’en fait étranger à nous-même. Ce qui, de nous, ne peut pas se dire est bien le lieu d'une exclusion, un exclu du champ du dissibile, un en-dehors à l'intérieur de nous-même, en excès de nos possibilités de dire, paradoxe d'une intimité qui nous excède. Lacan aura recours au néologisme "extime". Ce qui est le plus toi t’échappe et t'excède. 

Ce qui est le plus toi est plus que toi. 


  • Au miroir

Car tout de nous n'est pas attrapé par le miroir. Nous ne sommes pas réductibles à une somme de traits repérables, aux représentations que nous nous donnons. A-t-on jamais eu accès à son propre regard dans le miroir, à son propre toucher, en un mot à son propre corps jouissant ...? la mythologie a traduit les dangers d'une telle vanité, que l’angoisse suffit en général à signaler. 

Un pas plus loin, a-t-on jamais vu le sujet d’une énonciation, ce souffle qui habite nos énoncés ? 

Tout juste un Autre peut-il en repérer la trace. 


En l’empêchant, le rabbin signifie au congressiste qu’il ne peut pas répondre lui-même à la question qui lui est posée. Elle ne m’appartient pas, la réponse à la question « qui es-tu ? ». Si une éventuelle réponse se trouve, elle circule déjà à l’extérieur de moi-même. 


  • Deux faces 


Cette extimité, intimité qui nous excède, vient de faire apparaitre deux de ses faces : le sujet et la jouissance. L'un comme l'autre sont innommables et se reconnaissent seulement dans l'après-coup d'un évènement de corps. Le sujet est causé par les signifiants. « Un signifiant représente le sujet auprès d’un autre signifiant ». Le sujet n’est aucun d’eux. Il faut ici se défaire de la gangue imaginaire du signifié. Le signifiant est une matérialité sensitive qui passe par le corps. Il y cause une jouissance, sans laquelle il ne serait pas. Le sujet, effet du signifiant, est donc résonance d'une jouissance. Or, la jouissance est indicible en tant que telle : le signifiant ne peut rien dire de la jouissance qu'il cause. Il la cause. C'est tout. Autre façon de dire, comme souvent par ici, qu'il n'y a pas de métalangage, de langage pour parler du langage. 


Ainsi, le sujet, qui n’est épinglé par aucun signifiant, est écho d'une jouissance du corps qui ne peut pas se dire elle-même, jouissance sur laquelle il prend néanmoins appui pour se soutenir, se donner l'illusion d'une consistance, trouver sens, insaisissable qu'il demeure. C’est là qu’il rencontrera les dangers de la signification, fixe et figée, très prisée du Moi. Le Moi s’épingle, se nomme, se fige, tient à sa jouissance, s’y cramponne, et écrase les possibilités du sujet. Car le sujet s’étaie sur une jouissance sacrifiée, une jouissance qui consent à sa propre perte, qui consent à la coupure, condition du désir. 


Voilà donc un drame et une chance. Un drame parce que l’impossible à dire nous entame, nous vexe, au point que nous le dénions et nous isolons dans un Moi fortifié. Et une chance parce que ce manque peut nous faire sujet du désir, ce qui prendra le tour d'une Bonne Nouvelle si nous y consentons. 


Cette dialectique sujet - jouissance permet peut-être de mieux situer le sujet de l'énonciation, désirant et mobile, qui se dissout dans nos énoncés. Elle permet aussi de rappeler que la jouissance de la parole, quand elle est parole pleine, reste la seule jouissance qui, cédée, permette au sujet d’estimer ses coordonnées en retrouvant accès à un désir dont il se fait alors responsable. Le travail psychanalytique, quand il a lieu, est celui de cet avènement.


Dans le hall du congrès, la réponse à la question du rabbin devient problématique. Il y aura eu adresse, il y a du sujet chez le rabbin et le congressiste ne peut pas répondre à la question, extimité oblige. A présent, l’inspiration hésitante, signifiante, jouissance du corps prête à sa perte, signale que le congressiste s’engage dans un acte de dire. Il y aura énonciation. Il y a donc sujet du côté du congressiste aussi.

Voilà ce qui importe. Restons-en là. C’était juste une question.  


  • Lettre hébraïque

La lettre hébraïque se fait marque de cette bénéfique perte de jouissance qu’est l’acte de dire. Elle semble traduire une épure des possibilités de scansion qui font notre appareil phonatoire. Les lèvres du Beith, la gorge du Guimel, les dents du Daleth, premiers d’une série de sphyncters spontanés qui font l'articulation du langage incorporé qu'est la parole. 

Car la lettre hébraïque est consonne. Elle vient scander, couper, interrompre le ruban jouissant d’une voix hypothétique, interrompue, sourde et totale, gorgée de la permanence de nos sens, informe. Cette lettre introduit la discontinuité dans l’ordre d’un monde plein, saturé, mythique, compact et aveugle. Elle trace, coupe, tranche. La consonance de la lettre hébraïque conjoint sur un même littoral le trou et l’orifice, le vide de la coupure et la jouissance des bords qu'elle fait apparaître. Ce savoir s’est sédimenté en un alphabet qu’un peule aura eu la responsabilité de porter. 

La lettre hébraïque commémore ainsi la discontinuité nécessaire à l‘apparition d’un monde. Elle préside au principe de section, qui trouvera son prolongement dans la sexuation. Elle s’en fait garante au point de faire de ce principe sa propre condition. Elle ne peut se saisir elle-même. Car, si elle tranche, c'est parce qu'elle est la coupure-même. Or, on n’attrape pas une coupure. Elle taille dans le tas. L’extrémité d’un segment s’oriente vers celle d’un autre sans qu’ils puissent jamais se rejoindre. Adieu, complémentarité. Adieu, fidèle représentation. Adieu, ruban unifié. Bienvenue à la coupure, qui demeure. Bienvenue au sexe. Bienvenue au réel de sa différence. Bienvenue au sujet, écho de cette béance. 


Dans le hall, la tension logique est à son comble.


  • Aleph


Il faut remarquer que la lettre hébraïque ne cherche pas à dissimuler son impuissance à se saisir toute. Elle ne renie pas le mystère de son origine. Elle en témoigne même, rappelant qu’il n'y a pas de premier matin de la phonation. Elle fait donc de son origine un point de logique, figurant une nécessaire lettre-origine, une lettre-principe, pur battement, oscillation faisant valoir l’absence-présence, le quelque chose-rien. Aleph. 

L'aleph ne connait pas de vocalité. Elle porte la charge muette d'une voix originelle supposée, une vocalité toujours déjà perdue, possible fantôme de la jouissance que nous consentons à perdre en parlant. L’aleph indique aussi que la jouissance ne se transmet pas, ne se partage pas. Ainsi dépourvue de référence, elle est imprononçable. Elle se fait pure valeur, ouvrant la possibilité d’une différence, celle de la lettre suivante. Celle-là sera prononçable, Beith, première coupure, labiale, celle du babil, du b-a-ba, inaugurant le registre de la différence, qui est aussi celui de la relation. Au Commencement….étaient deux qualités sensitives.

Le sujet apparaît au pied de cette lettre-là, celle qui coupe et fait vibrer, cause une perte et fait jouir les bords. Un en-moins qui cause un en-plus. Travaillée par les âges, la stupéfiante graphie de l'aleph figure notamment cette oscillation. On y reconnait les propriétés topologiques familières de la bande de Moebius, celles aussi de l’objet a de Lacan, qui se prolongeront dans l’équivoque du « plus-de-jouir ». Equivoque de l’en-moins et de l’en-plus que seule l’énonciation permet de faire entendre. La perte de jouissance cause...une jouissance supplémentaire. 


On trouve ainsi dans l’aleph l'impossible conjonction du sujet et de la jouissance, jouissance qui cause le sujet sans le dire. Car le sujet ne parle pas. « Il est parlé et c’est par là qu’il s’appréhende ». Effet d’un évènement de corps jouissant nommé parole, il est baladé entre les signifiants sans qu’aucun ne puisse le dire. Quant un signifiant prétend dire le sujet, il ne fait que poser une étiquette sur le Moi, qui n’en attend pas moins. Le Moi aime se confondre avec la signification des noms qu’il se donne. L’alphabet hébraïque, lui, porte l’accent sur la matérialité du langage écrit car parlé. Lacan parlera de « motérialité ». Le bruit des scansions, le sonore de leurs coupures, leurs variétés, découpent la permanence de la vocalité, ce tube de jouissance qui s’élève et nous pénètre. Elles brisent son flux pour en faire le ruban ciselé d’un dire. La consonne hébraïque commémore par son aleph-beith les différences de qualité qui font le Commencement. 

C’est bien le sujet qui nait ici, dans les intervalles infranchissables de cette discontinuité incorporée, bientôt faite corps, puis chaire.  


Dans le hall, l’inspiration hésitante du congressiste fait coupure. Elle est un signifiant suffisant pour signer la trace du sujet et la mobilité de la chaine signifiante qui va le représenter. C’est juste une question…et ça doit le rester. L'amorce de réponse suffit à relancer la chaine. Et il ne nous suffit pas de dire qu’une question amène une autre question. Il faut dire qu’une question ne peut rien faire d’autre. Puisqu’il n’y a pas de saisie possible, « vous n’êtes pas juif ? » ne peut pas trouver de réponse stable.


  • Tétragramme


L’alphabet constituant un nombre totalisé de lettres pour un nombre infini de combinaisons, l’exception de l’aleph, a-phone, se prolonge dans l’exception d’un mot qui ne peut pas se dire : le tétragramme, nom imprononçable de dieu. A son tracé (de préférence incomplet lui aussi) est associé une phonation mythique que seuls les prêtres du temple étaient autorisés à prononcer, une fois l’an. On dit que la Terre alors tremblait, comme tremble une tasse chinoise pleine des fréquences qui saturent sa structure avant qu’elle n’explose. L’ambition d’une totalité s’assortit bien d’un danger de mort pour le sujet. Le projet d’une jouissance totale qui colmate la coupure la truffe de sens, la comble de consistance, la fige et abolit la mobilité du sujet, qui est désir.

Techniquement, ce mot est prononçable. La scansion en est précisément consignée, la prononciation en est accessible, repérée. Mais envisager de le prononcer signerait un aveu : celui d’une position de surplomb qui, ne rencontrant aucun impossible, prétendrait clore la boucle, faisant consister un ensemble fermé, observable depuis son extérieur. Depuis cette position, il n’y aurait pas d’impossible à dire. Or, un impossible demeure pourtant, repéré, réel :  la parole ne peut se dire elle-même.


  • Interdit et impossible 


Pour tenter de dire la parole, il faut parler. Dire la parole reviendrait à dire la jouissance de la phonation…en parlant. Il y a là comme un impossible. L’aleph le rappelle : la jouissance ne se transmet pas. Elle s’éprouve et ne se partage pas. Ne pouvant dire l’acte de dire, la parole nous prive de tout accès à la pleine jouissance de notre être. On comprend alors que cet impossible à dire prenne le visage plus acceptable d’un interdit de prononcer. L’impossible est irréductible. L’interdit peut se gorger de sens — la religion en est une fabuleuse pourvoyeuse. 

Le Nom de Dieu est imprononçable, non parce qu’il est défendu, mais parce qu'il y a de l’impossible à dire, de l’impossible à prononcer, de l’irreprésentable, même au plan acoustique. 

Le Nom Imprononçable est celui d’un trou dans le langage, une figure du Réel.


  • Être 


Dire ce Nom reviendrait à tout pouvoir dire du monde. Dire cette totalité resterait alors le privilège d’une instance toute-puissante, dont la place serait convoitable. Or, le Dieu du tétragramme est un dieu qui parle, en conséquence impuissant à se dire lui-même. C’est un dieu dépourvu des attributs du divin, qui pose au fondement même de son principe celui d’un mouvement perpétuel emmenant d’une qualité à une autre, d’une lettre à une autre, d’un signifiant à un autre, d’un mot à un autre. Ce mouvement est désir. Il est indestructible. Il est mouvement perpétuel. 


Le tétragramme traduit notamment l’impossible totalisation de l’être autant que l’impossible totalité de l’avoir : le nom de dieu est imprononçable, plusieurs viennent à sa place, mais aucun n’est le sien. « Je suis ce que Je est », comme le traduira Lacan. L’Être (moi-je, totalisable, fixe) doit faire place au sujet (non celui qui dit Je, mais ce qui est parlé, un Je d’entre les mots, mobile et sans substance, « substanzlos » disait Marx). « Je suis ce que Je est » est encore une façon de dire que la parole ne peut pas se dire elle-même. Je, qui est parlé, est consécutif d'une matérialité qui vibre le corps, non de la signification des mots. Ça parle par mon corps, et ce faisant, ça produit un sujet, qui ne se reconnait qu’après-coup, dans ses effets dans le champ de l’Autre, parlant lui aussi. Là où ça parlait à travers moi, causant un Moi statique et jouissant, un Je énoncé, advient désormais un sujet, un Je énonçant, mobile et désirant. « Wo Es war, soll Ich werden »  (Freud). 


Dans le hall, toute réponse trahirait désormais une ambition de totalisation. D’adresse en énonciation, la rencontre en cours est bien un fait de parole. Il ne peut plus y être question d’être. A la question « Vous n’êtes pas juif ? » , une seule répartie possible : « Qu’en dites-vous ? »


  • Hashem

Pour désigner l’Imprononçable mortel, l’hébreu trouve un mot, sommet de radicalité et d’épure. Il l’appelle Le Nom. Hashem. Hashem signifie Le Nom, celui qu’on ne prononce pas. On se laisserait aller à l’équivoque qui fait la parole en disant que Hachem veut dire Le Nom. Il va de soi qu’il ne fait que le signifier, il le cerne, en repère la place, celle d’un nom qui ne peut pas se prononcer, une trouée, une faille qui fait parler. Nous pouvons dire maintenant que Hashem, qui signifie Le Nom imprononçable, signifie aussi l’innommable qui gît sous chaque nom. Cet innommable est certes l’indicible de l’acte de dire lui-même, mais aussi l’innommable de l’objet tel qu’il serait si je n’étais pas là pour le voir, l’être de l’objet tel qu’il bat sous le mot qui ne cesse de le rater, encore et encore. Prompt à faire de lui-même l’objet de sa jouissance, le Moi, persistant dans le projet immature de se nommer, ne cesse de se râter, de manquer la pleine saisie de son être. Le Discours Capitaliste (acception lacanienne) surfe sur cet espoir désespéré en réduisant la langue à un instrument modulable. 


  • La Chose

Car au fond des mots palpite le coeur battant d’une promesse intenable, celle d'un Être de plénitude, affranchi de la discontinuité que cause la parole, rétabli dans une pleine saisie du monde comme de lui-même. Cet abîme d’adéquation toujours déjà inaccessible, aux retrouvailles mortelles, Freud l’appelle das Ding. La Chose. Le fantasme, en son fondement, convoite sa conquête autant qu’il redoute sa proximité. Elle fascine et terrifie. 

Lacan dira que la sublimation tente d’élever un objet à la dignité de la Chose. L’instance de la lettre amène à entendre ici la Ding-nité de l’objet, sa Chosité. Sublimer, c’est amener un objet au lieu présumé de la Chose. Élevé à un tel niveau de symbolisation, l’objet est inatteignable.

L’Innommable autant que l’Indicible seront préservés, avec eux le sujet et son désir, au prix d’un objet rendu inaccessible, et — grand avantage — inaltérable. 


Dans le hall, l’impossible remontée aux origines coïncide désormais avec l’impossible mot de la fin.



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