Métaphore
Pas même un mot, le phallus est donc le signifiant d'une absence, d'un manque. Il est au centre de la première triade humaine formée de mère - phallus - enfant.
Il faut se rappeler qu'un signifiant ne s'adresse pas à quelqu'un. Il entre seulement en relation avec un autre signifiant, du seul fait de leur différence.
Dans la dyade mère-enfant post-natale, il manque quelque chose. Ni la mère ni l'enfant ne peut dire de quoi il s'agit, et c'est la mère qui va prendre les choses en main en amenant quelque chose qu'elle n'a pas, qui est plus qu'elle-même, quelque chose qui est destiné à rassurer, à rencontrer. Elle amène de l'ersatz, du semblant de ce qui viendrait à la place du "il n'y a pas", le phallus. Elle est alors, aux yeux de son enfant, toute-puissante. Le petit des trumains va bien vite s'identifier au phallus (s'identifier par), croyant être ce qui satisfait sa mère, donc ce qui lui manquait. Mais il se trouve que la mère désire aussi ailleurs. Ce pas-là qui l'aimante serait donc ailleurs....Au phallus se substitue alors un autre signifiant, que Lacan appellera le Nom-du-Père, non sans équivoque, ce que nous savons lire correctement puisque que nous venons de voir que Père était autant une fonction qu'un lieu (Osiris est d'abord mort avant d'être père). Qui dit substitution de signifiant dit métaphore. On parle alors chez Lacan de métaphore paternelle, inaugurant la fonction dont le phallus reste le premier opérateur - la fonction phallique - qui introduit par la métaphore à la dimension du sens. Elle vient "motérialiser" un ailleurs, séparant l'enfant de la jouissance de la mère. Fonction langagière, la fonction phallique opère, comme Isis le montre en formant le phallus, pour les deux sexes.
Castration
Cette capacité métaphorique inaugurale restera l'embarcation du petit des trumains sur l'océan du langage. Il y sera à jamais (et depuis toujours) coupé de son être et du monde, cette terre de lait et de miel, ferme autant qu'imaginaire. Promise...
Le voici sujet du désir, inscrit dans la castration. Car c'est ce qu'il faut y entendre : la métaphore paternelle instaure une coupure qui redouble la discontinuité sensible du monde en l'arrimant au sens. Le sujet ne sera plus que représenté dans le langage, sans possibilité aucune de dire son être, baladé sur une coquille de noix dont il fera bientôt son Moi, le protégeant de la fureur des flots autant qu'il l'aliènera dans une identité qui ne pourra jamais lui correspondre.
Seule une métaphorisation (meta-phorein : transport) inaugurale advenue permet au petit d'homme de ne pas rester captif des signifiants de l'Autre imaginaire demeuré tout-puissant, dont il dépend, souvent figuré par un Autre maternel ou maternant au désir aussi confortant que monstrueux et terrifiant.
La pratique analytique a montré que ce signifiant substitué, le Nom-du-Père, n'opère qu'à condition d'être repéré dans la parole de la mère (ou son équivalent). C'est par la tiercité de la parole qu'il s'institue en même temps qu'il institue la parole comme lieu tiers. Si c'est très probablement la mère qui transmet la langue, c'est bien le père qui transmet la parole.
Rappelons Freud et son "le père, c'est si la mère veut bien" ou la volonté ici mal traduite n'est rien d'autre que le désir de la mère.
Car il y a un corollaire à cette nécessité : il faut que la mère (ou son équivalent) soit elle-même passée par là. Il faut que, pour la fille qu'aura été la mère, se soit inscrite la place de cette tiercité. La transmission du défaut de métaphore paternelle, de la forclusion du Nom-du-Père (sa forclusion) est un facteur de la fixation psychotique, de l'insuffisant arrimage symbolique qui la sous-tend.
On parlera ensuite avec Lacan des Noms-du-Père, pluriel de la tiercité qui vient faire coupure dans l'unité imaginaire de la dyade mère-enfant. A titre d'exemple, "femme" est l'un des mille et un possibles Noms-du-Père.
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